Sœur Marie Xavier (Marie Deschamps) et sœur Thérèse (Guyot) ont quitté le Carmel de Saïgon en novembre 1871 et rentrent en France. Elles sont à Suez en décembre et au Caire en janvier. Là, une lettre de Jérusalem les invite à faire le pèlerinage de Jérusalem. Elles rencontrent alors la princesse de la Tour d’Auvergne qui cherche des religieuses susceptibles d’établir un monastère sur le Mont des Olivers. Tout commence…
Extrait du journal de Mère Xavier, Vendredi 19 avril 1872 :
Nous nous hâtons de remonter au Saint-Sépulcre pour assister à la sainte messe que Monseigneur [Poyet] célèbre pour nous dans la grotte sur la pierre du Sépulcre.
Dans une prière fervente, sous mon Ciel de Cochinchine, je sollicitais jadis une faveur insigne. Une douce voix, la voix de mon Maître, me répondit : « Je t’exaucerai sur le Calvaire… » Le Calvaire, mon Dieu, pourrais-je espérer de le voir jamais ? Rien, non rien n’est impossible à Celui que mon cœur aime par-dessus toutes choses. Le moment de la sainte communion arrive. La douceur de Jésus se fait sentir à mon âme. Il vient remplir sa promesse, et son indigne épouse est sans paroles, mais non pas sans larmes. Elles coulent abondantes et arrosent la colonne de marbre sur laquelle elle s’appuie.
Moment le plus heureux de ma vie, souvenir ineffaçable. Je te note ici pour te retrouver au jour de la tribulation.
[…] Après nous être reposées quelques instants, nous faisons notre première visite au Révérend Père Ratisbonne. Ce saint privilégié de notre douce Mère du Ciel, nous accueille avec la plus grande bonté. « Pourquoi, nous dit-il ne vous établiriez-vous pas à Jérusalem ? Ce matin, en offrant le saint sacrifice de la messe, la pensée m’est venue que vous devriez vous adresser à la Princesse de la Tour d’Auvergne qui occupe le lieu du Pater. Elle n’a point encore de communauté religieuse en vue. Il serait possible qu’elle vous accueille et vous donne la préférence. Parlez-en à Monseigneur P[oyet]. ».
Nous acceptons le conseil et nous remontons les rapides rues. Monseigneur écoute notre proposition, mais nous fait quelques objections. Nous convenons néanmoins d’aller voir la Princesse, car elle ne doit pas tarder à partir pour l’Europe.
À 3 heures, nous montons sur des ânes et un Arabe nous conduit sur le Mont des Oliviers. Nous laissons à gauche le lieu de l’Ascension qui appartient aux Mahométans et nous arrivons à la demeure de la Princesse. Elle nous reçoit avec plaisir, nous fait visiter les cloîtres où le Pater est écrit en 32 langues et nous introduit ensuite dans un petit appartement qui lui sert de musée où elle garde des pierres assez curieuses qui prouvent qu’autrefois il y avait des églises sur ces lieux saints.
La conversation s’engage sur le carmel. Elle nous offre une sainte Térèse et des feuilles du Pater. Puis elle nous confie que le Supérieur d’un carmel de France avait fait il y a trois ans des démarches auprès d’elle pour obtenir une fondation, mais qu’à cette époque, c’était impossible vu l’exiguïté du terrain. Elle nous donne quelques espérances et nous mène voir l’emplacement du futur monastère. Quelle vue magnifique !… D’un côté, toute la ville de Jérusalem se déroulant sur le versant de la montagne du Moriah, et de l’autre, la Mer morte, le chemin de Béthanie, Bethphagé, tout près à droite : le lieu de l’Ascension, en bas de la montagne : la grotte de l’agonie, le tombeau de la sainte Vierge, le jardin de Gethsémani, le torrent du Cédron, la fontaine de Siloé. On aperçoit encore le chemin de la captivité qui serpente sur le mont Moriah.
L’emplacement du Pater serait pour nous le plus consolant séjour, mais que de difficultés à vaincre pour l’avoir ! Comment obtenir les permissions nécessaires ? Sous ce rapport, le projet de l’église Sainte-Anne serait plus facile, mais là encore est une grande objection : la pose de la grille et la jonction d’un bâtiment. Nous quittons la Princesse avec une lueur d’espérance au fond du cœur et un immense désir de revenir habiter ces lieux bénis.
Au jardin de Gethsémani, Mère Xavier demande au Christ de la confirmer dans sa vocation pour Jérusalem par un signe concret. Le jardinier lui offre un bouton de rose.
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